Aujourd’hui on parle beaucoup d’intelligence artificielle (IA) et de son influence sur la vie des gens qui travaillent, des enfants, des familles, de la communication, de l’économie. Alors j’ai voulu savoir ce qu’il en était vraiment. Pour ce faire, plongeons du macro vers le micro, encore plus près de la réalité, Et qu’y voyons-nous ?
Ce sont maintenant les emplois qualifiés qui sont en danger
On
aperçoit dans la rue, quelqu’un qui va travailler, un ouvrier ou bien un
employé de base alors qu’en est-il de son destin ? Celui-ci semble déjà bouclé.
L’automatisation depuis des années 80 a rendu les tâches répétitives et peu
qualifiées, inutiles pour l’humain. Ces personnes ont été licenciés. On nous a
expliqué que la seule solution était pour elles de se réorienter, ce qu’elles
ont fait pendant 25 ans. Mais aujourd’hui en regardant de plus près, on
s’aperçoit que ce sont les métiers dit de diagnostic, c’est-à-dire où la
personne doit faire une analyse et prendre une décision, qui vont rapidement être
remplacés par de l’intelligence artificielle. Pourtant, ces emplois sont très
qualifiés. Il s’agit des enseignants, des journalistes, des médecins, des
architectes, mais aussi de nouveaux métiers comme les gérants de contenu sur
Internet. Ceux-ci devront eux aussi se réadapter. Or, à la différence de la
robotisation, le développement de l’intelligence artificielle se fait très
rapidement. En presque cinq ans, il se pourrait bien que tous ces emplois
disparaissent. Alors quelles seraient les conséquences pour l’économie ? Une
crise de la consommation de la classe moyenne et un regain important du chômage ?
Quelles seraient les conséquences d’un désapprentissage ?
On
dit souvent qu’il n’y a pas à s’inquiéter, que ceci ne concernera que les
jeunes générations. Déplaçons donc notre zoom vers elles. Là aussi, il semble
que l’intelligence artificielle aura une grande influence. Ainsi, avec elle se
développera le désapprentissage. Dès maintenant, on constate que les élèves ayant
ingurgité beaucoup plus d’informations qu’auparavant, ne retiennent ce que ce
qui est important et éliminent quantité de connaissances. On n’apprend plus par
cœur. D’ailleurs, il est fort probable que si vous demandiez à quelqu’un qui a
étudié il y a 40 ans, quels sont les rois de France, il vous les citerait
entièrement. Ceci n’aurait pas de sens pour un élève de la génération actuelle.
Pourtant, pour comprendre, il est nécessaire de répéter. Comme lorsqu’on
apprend à jouer d’un instrument, il faut répéter pour que les connexions
synaptiques se fassent et s’habituent. Une utilisation généralisée de
l’intelligence artificielle pourrait diminuer leurs facultés à prendre des
décisions autonomes, à résoudre des problèmes de manière créative et renforcer
les inégalités sociales. Les élèves issus de milieux défavorisés auront
peut-être moins accès à des outils d’IA sophistiqués, ce qui crée un
déséquilibre dans l’apprentissage. En outre, l’intelligence artificielle étant
basée sur des bases de données, rien ne permet d’affirmer que celles-ci ne
seront pas orientées pour favoriser l’apparition de certains clients comme le
sont actuellement les moteurs de recherche. Au vu des conditions de vie des
parents, il se pourrait bien que l’écart augmente entre les élèves qui savent
réfléchir et utiliser parfaitement l’intelligence artificielle et ceux qui ne
savent pas.
Que va devenir l’information
Justement,
parlons de la communication. Si l’utilisation de l’intelligence artificielle
pourrait appauvrir l’orthographe, créant une nouvelle langue plus simple, il
pourrait bien en être de même pour l’information. En effet, les études montrent
que lorsque Internet est apparu, si les internautes aimaient au début surfer
sur beaucoup de pages, à la longue, ils ne visitaient plus que huit sites
régulièrement. Nous allons vers une concentration de l’information. Avec
l’intelligence artificielle, le métier de journaliste risque d’être
complètement bouleversé. C’est elle qui écrira de plus en plus les articles, ce
qui coûtera bien moins cher aux rédactions. Déjà, nombres d’entre eux sont artificiellement
structurés de façon à obliger le lecteur à voir le maximum de publicités et
souvent la réponse à la problématique du titre n’apparaît qu’aux trois quarts
de l’article. De plus, des réseaux sociaux comme X (twitter) deviennent de plus
en plus agences de presse. Avec le besoin d’alimenter chaque seconde les
chaînes d’informations, on cherche à renforcer le coté sensationnel de certains
sujets, ce que l’intelligence artificielle sait remarquablement faire et on biaise
l’importance qu’ils ont réellement dans l’actualité. Entre la sécurité et le
people, on a vite fait d’alimenter l’argumentaire des partis populistes.
Est-ce que cela pourrait favoriser le populisme ?
Entendons-nous
bien. Ce n’est pas l’intelligence artificielle qui est ici en cause, un
instrument génial au service du brainstorming mais l’utilisation que l’on en
fait. En effet, il y a d’un côté risque de chômage accru d’une nouvelle couche
de population, celle des métiers qualifiés, un désapprentissage des futures
générations de cadres et de l’autre, une possibilité de diffuser de la
désinformation et renforcer les opinions extrêmes. Face à des changements si
rapides, deux franges de la population pourraient bientôt s’éloigner
inexorablement l’une de l’autre jusqu’à une crise profonde. Il y a celle qui a
les moyens de savoir et celle qui subit la communication, devenant dépendante
d’un téléphone portable utilisé pour chaque besoin de la vie quotidienne.
Celle-ci, en général, a besoin de solutions simples, et ne réfutant pas les
hypothèses simplistes, a toutes les raisons de se tourner de plus en plus vers
le populisme. C’est d’ailleurs ce que nous constatons dans nombreux de pays
actuellement. Le populisme remonte comme une vague, tout comme il a sévit dans
les années 30 dans un contexte de crise. L’autre frange bénéficiant de
l’intelligence artificielle, ne croyant plus en rien, qu’à ses propres
intérêts, même si elle se dit de plus sensible à l’environnement, ne voudra
plus payer pour ceux qui ne le peuvent pas et favorisera l’émergence de
nouveaux marchés des mutuelles au détriment de la sécurité sociale. De même, n’accordant
plus d’importance à la « carrière » et n’hésitant pas à démissionner
pour chercher un autre emploi qui lui convient mieux, cette tranche de la
population pourra de moins en moins vouloir soutenir une assurance chômage. Il
est également fort probable que pour beaucoup d’entreprises, l’intelligence
artificielle sera utilisée pour maximiser les profits sans considération pour
le bien-être social. Face à des exigences de plus en plus grandes des marchés
financiers concernant les taux de profits à court terme, il pourrait difficilement
en être autrement. En fait, l’intérêt à court terme ne risque-t-il pas de nuire
à l’intérêt de long terme ?
Comment pouvons-nous sauver notre société ?
Alors, favorisée par le développement de l’intelligence artificielle, va-t-on inexorablement vers une mouvance populiste qui se satisferait d’un monde ultra libéral ? Pourtant, ces deux principes semblent contradictoires car le populisme rejette le libre échange au profit du nationalisme. Le monde est moins menacé par ceux qui font le mal que par ceux qui le tolèrent disait Einstein. Il est facile dans ces conditions d’imaginer un monde où avec d’une part les changements climatiques et d’autre part, la volonté de déplacer la production où c’est le moins cher, les inégalités entre pays augmentent et avec elle l’émigration puis les conflits régionaux. Alors comment pouvons-nous nous sauver ? Rappelons que si l’humanité en vient à disparaître en partie à cause de la guerre ou des pandémies, notre planète, elle, ne s’en soucie guère et continuera de s’adapter comme elle l’a fait depuis 4,5 milliards d’années. La réponse se trouve peut-être dans cette question : Qu’est-ce qui pourrait inciter les français à se lever le matin et au lieu de se demander ce que le pays peut faire pour eux, qu’est-ce qui pourrait les inciter à se demander ce qu’ils peuvent faire pour leur pays ?