C'est un comble quand même ! La communication, dont le but
premier est de mettre en relation les gens, ne saurait pas gérer sa propre
image. À tel point que, lorsque vous dites à quelqu'un dans la rue que vous
êtes conseiller en communication, on vous dévisage parfois comme si vous
apportiez la peste.
Il faut dire qu'en ce moment, on entend souvent le mot
"communication" : "le service de communication du président a
donné à la presse des informations en sous-main", "le responsable de
la communication de telle entreprise a déclaré : 'nous n'avons aucun
problème'." Ou encore : "Voyons comment sera la communication de cet homme politique pour redorer son image ?" Avec les réseaux sociaux, on parle même de
"nettoyeurs de réputation". Ce sont les nouveaux technocrates qui
jouent avec nos sentiments, nos émotions, malgré nous. Bref, ils ont à peu près
l'image des publicitaires des années quatre-vingt ; pour paraphraser
l'expression de Jacques Séguéla : "Ne dites pas à ma mère que je suis dans
la publicité – elle me croit pianiste dans un bordel."
C'est vrai que, de plus en plus, quand on entend un homme
politique argumenter les propos de son président quoi qu'il dise, ou lorsqu'on
écoute le discours "langue de bois" de certaines entreprises, on
ressent un certain malaise. Pourtant, ils s'en donnent du mal à force de stages
et de formations sur la "communication pratique" : comment
argumenter, comment parler, comment bouger face à la caméra. On se dit :
"Bof, encore obligé d'accepter ; que voulez-vous faire d'autre ?"
Mais au fond de nous, l'ennui et la rancœur s'installent.
Eh bien justement, quelles que soient leur orientation
politique ou la cause qu'ils servent, peut-être que, sortant du même moule, de
la même école, tous ne savent parler qu'en bons techniciens, tels de nouveaux
technocrates de la communication. La forme reste la même, et cela nous navre.
On leur apprend souvent "l'acting", mais tout le monde ne peut être
grand comédien ; force est de constater que, lorsque Barack Obama dit "Yes
we can", cela n'a pas le même impact que "le changement, c'est
maintenant" prononcé par d'autres.
La communication devient propagande. Rappelons-nous la
définition de "communication"
: mettre en commun, mettre en relation ; et celle de "propagande" :
influencer la perception publique des événements, des personnes ou des enjeux,
de façon à endoctriner ou embrigader une population et la faire agir et penser
d'une manière voulue. Il semble que l'on soit passé de l'un à l'autre. C'est
fort choquant, mais cela ne correspond-il pas au sentiment du public ? Bien
sûr, il ne faut pas condamner tout le monde, et c'est là le problème. Certains,
pragmatiques, contribuent à ternir l'image de la profession.
Est-ce nouveau ? N'a-t-on pas de tout temps utilisé la
manipulation ? Faut-il être assez naïf pour croire que l'on peut toujours dire
la vérité ? Cela avait coûté cher à la marque Perrier,
qui avait joué la transparence en 1990 en rappelant des millions de bouteilles
du marché à la suite de la découverte de traces de benzène dans son eau.
Finalement, les consommateurs se sont demandé si celle-ci était bien naturelle.
En fait, de tout temps, il y avait des techniques. Napoléon, Hitler, savaient
remarquablement les utiliser. Elles sont basées sur les travaux de Gustave Le Bon sur la
psychologie des foules, mais elles se sont institutionnalisées avec la
consommation de masse, le développement de la publicité, et surtout avec
l'avènement de la télévision et des médias sociaux. Or, la multiplication des
émissions sur le décryptage médiatique nous a petit à petit appris à découvrir
ces techniques
de communication. Bref, l'effet joue de moins en moins, et avec le
scepticisme grandissant, le public voit le communicant comme un technicien
plutôt qu'un homme ou une femme.
Certains annoncent une vraie communication démocratique avec
le développement d'Internet et des réseaux sociaux, car cela permet une
communication dans les deux sens. Mais vous vous êtes sûrement rendu compte que
les sites apparaissant sur la première page de Google sont de moins en moins
des sites amateurs, et de plus en plus des sites utilisant parfaitement la
technique du référencement naturel. Dans ce domaine, ceux qui ont les moyens
d'utiliser des spécialistes ont plus de chances. De même, la technique de
marketing viral ou le "buzz" sur Twitter devient faussée, car de plus
en plus de "followers" sont en réalité des comptes fictifs, et vous
avez sûrement constaté que parmi les tweets auxquels vous êtes abonnés, des
tweets "sponsorisés" viennent se glisser. Comme me le disait un
formateur en référencement : c'est une éternelle course entre Google et les
référenceurs, qui trouvent la faille que Google essaye de combler. Et puis,
Google devient le monopole en matière de suivi de communication sur le net et les
mobiles. Sa stratégie est loin d'être candide.
Alors que faire ?
N'oublions pas que nous sommes dans une période de crise, et
dans une situation
de crise, le public est plus sensible aux messages qui lui apportent des
solutions en touchant ses émotions. C'est un avantage pour prôner le retour aux
fondamentaux de la communication. Cela vaut également lors de la propagation de
rumeurs. Il y a donc de nouvelles règles. Crédibilité et
confiance sont basées sur les valeurs portées par ces messages :
- Les populations exigent des entreprises leur part de
bénéfices, demandent leur responsabilisation en matière d’environnement et de
commerce équitable.
- Il faut redécouvrir le message orienté localement,
- Mettre davantage en scène ses propres salariés pour «
humaniser » son image,
- Respecter une logique entre les discours tenus au client et
à l'actionnaire,
- Se montrer humble en plaçant le consommateur au centre de
son message,
- Être pédagogique auprès de ses clients.
Le maître mot est de savoir comment parler avec son cœur.
Loin d'être une naïveté comique, ceci est tout simplement la façon de
communiquer d'hommes comme Barack Obama.
Avec la montée du langage populiste, ces principes deviennent-ils caduques ?
On le voit lors des élections, les effets de langage, la violence dans la paroles sont quotidien. Pour séduire, il faut paraître et certains affirment même que le contenu n'est plus important, c'est la forme qui compte. Donald Trump en est un bon exemple parce qu'il pourrait bien déteindre en Europe, est. Toutefois, même s'il se focalise souvent plus sur la forme que sur le fond, ne déforme-t-il pas parfois les informations pour servir un but narratif qui reflète sa personnalité et sa propre histoire ? S'il n'hésite pas à faire de la surenchère avec de la désinformation, c'est peut-être parce que son objectif est à court terme alors qu'une marque doit assurer une cohérence historique dans le récit de sa marque.