PME,
municipalités : Connaissez-vous le « Pouvoir Invisible » qui
influence vos projets ?
Résumé Exécutif
Ce document
de synthèse analyse le rôle crucial des réseaux d'influence dans la réussite
des projets menés par les PME et les collectivités locales. Il démontre que le
succès d'une initiative ne dépend pas uniquement des structures formelles et
des organigrammes, mais de la compréhension et de la gestion stratégique d'un
écosystème complexe de relations informelles, d'alliances et de pouvoirs
symboliques.
Les points
clés sont les suivants :
1. Pertinence
Locale : Les réseaux d'influence ne sont pas l'apanage des hautes
sphères politiques. Ils existent à l'échelle locale et impactent directement
les projets de territoire, qu'il s'agisse de développement touristique,
d'urbanisme ou d'initiatives économiques.
2. Définition
et Composition : Un réseau d'influence est une structure informelle,
hétérogène et discrète, composée d'acteurs politiques, économiques,
associatifs, médiatiques et citoyens. Son objectif est d'exercer une influence
sur les décisions et de protéger ses membres.
3. Approche
Méthodologique : Une démarche structurée est proposée pour identifier,
cartographier et analyser ces réseaux. Elle inclut la délimitation des sphères
d'influence (institutionnelle, économique, associative, etc.) et l'utilisation
d'outils concrets comme la cartographie relationnelle et l'observation
ethnographique.
4. Outil
d'Analyse Stratégique : Le document présente une adaptation de la
matrice BCG pour visualiser le positionnement de chaque réseau d'acteurs selon
deux axes : leur degré d'influence et leur niveau de
coopération. La taille et la couleur des "bulles" représentent
respectivement l'opportunité et le risque associés
à chaque groupe.
5. Stratégies
Ciblées : Cette matrice permet de définir quatre stratégies
fondamentales :
◦ Investir sur
les "Réseaux Vedettes" (forte influence, forte coopération) pour en
faire des ambassadeurs.
◦ Exploiter les
"Réseaux Vaches à lait" (forte influence, bonne coopération) pour
leurs bénéfices concrets.
◦ Neutraliser ou rallier les
"Réseaux Dilemmes" (forte influence, faible coopération) pour limiter
leur capacité de nuisance.
◦ Gérer
symboliquement les "Réseaux Poids morts" (faible influence
et coopération) sans gaspiller de ressources.
En
conclusion, la maîtrise des dynamiques relationnelles est une condition
essentielle pour transformer un projet municipal ou d'entreprise en un
véritable projet de territoire, soutenu par un réseau d'alliés engagés et
porteurs de légitimité.
Article
L’affaire récente du « financement libyen », telle
qu’elle apparaît dans la presse, risque de bouleverser quelque peu la
conception que le public avait du fonctionnement du monde politique. Elle
révèle l’importance des réseaux d’influence. A ce propos, la vraie
question est-elle de se demander si l’ancien président de la république est
coupable ou non, sachant que nous, simple citoyen, n’avons pas les éléments
pour nous faire une opinion ou, est-ce plus intéressant de se demander
l’importance des réseaux d’influence dans notre environnement et dans notre vie
professionnelle ?
Une autre vision de notre environnement des affaires
Tout comme elle propose une autre vision du fonctionnement
macro, elle nous invite également à envisager une autre façon de concevoir
l’environnement des entreprises et des collectivités locales.
Car un projet ne se joue pas seulement dans les bureaux ou
sur les organigrammes. Il se joue aussi dans les relations informelles, les
alliances locales, les symboles. Comprendre qui influence réellement votre
territoire ou votre secteur peut faire la différence entre un projet qui avance
et un projet qui se bloque.
Alors, qu’est-ce réellement qu’un réseau d’influence ? Comment est-il
constitué ? Et comment agit-il ?
Un réseau d'influence politique est une structure
informelle et relationnelle qui fonctionne comme un mécanisme
d'extension et de défense du pouvoir d'une figure politique centrale.
Contrairement à un parti politique ou à une institution gouvernementale, il n'a
pas d'existence officielle. Il se construit progressivement au fil du temps,
sur la base de la loyauté et des services mutuels, et opère en marge des
circuits institutionnels, là où les processus formels ne peuvent ou ne veulent
pas agir, pour préserver et étendre l'influence de ses membres.
Les Piliers d'un Réseau
Un réseau d'influence repose sur des caractéristiques
fondamentales qui assurent sa cohésion et son efficacité.
|
Caractéristique |
Description |
|
Composition |
Le réseau est hétérogène et multidimensionnel. Il
rassemble des alliés politiques fidèles, des hauts fonctionnaires, des hommes
d'affaires, des magistrats, des policiers ou encore des journalistes. |
|
Objectifs Principaux |
Ses buts sont doubles : d'une part, exercer une influence sur
les décisions politiques et économiques, et d'autre part, assurer une protection à
ses membres, notamment face à des menaces judiciaires. |
|
Mode de Fonctionnement |
Il opère de manière discrète, voire secrète,
par coordination souple et directe, en s'appuyant sur des relations
personnelles et des canaux de communication informels plutôt que sur des
procédures officielles. Le réseau lui permet d'agir "dans l'ombre"
: il soutient des candidats, oriente les décisions au sein d’un courant
politique et joue un rôle de "parrain politique", garantissant
ainsi la pérennité de son pouvoir bien au-delà de ses mandats officiels. |
Ainsi, lorsqu’on analyse l’actualité, on se rend bien compte
que c’est cela que l’ancien président a su générer. Que cela soit à travers sa
famille, ses relations économiques, le fait que ses partisans, soient nommés
ministres bien après la perte de son mandat présidentiel, montre que ce n’est
pas parce qu’on a perdu les élections qu’on ne garde pas une grande influence. Ils
sont importants à ce niveau mais jouent-ils un rôle à notre niveau
d’entrepreneur ou de gestionnaire de municipalité ?
Comment nos projets d’entreprise et de collectivité locale doivent se
comporter compte tenu des réseaux d’influence
Évidemment pour nombre d’entre nous, ce niveau nous dépasse,
et nous pouvons penser que les réseaux d’influence sont bien loin de notre
préoccupation quotidienne. Détrompez-vous. Car si nous prenons l’exemple d’une
entreprise qui a un projet ou d’une municipalité qui a un projet important de
développement touristique sur sa commune, comment percevoir l’existence de ces
groupes d’influence ? Et comment interagir avec eux ? Car les réseaux
d’influence n’existent pas seulement dans les hautes sphères du monde politique.
Quels sont les sphères d’influence locales
Institutionnelle
Les acteurs
qui ont un pouvoir administratif, politique ou financier direct :
- Région, Département, Préfecture, intercommunalité (Élus d’autres communes concernées si le projet a un impact intercommunal) ;
- Architecte des bâtiments de France,
- Bureaux d’études et services techniques (urbanisme, patrimoine, environnement).
Économique
- Entreprises
locales (Hôteliers, hébergements, restaurateurs, artisans, agriculteurs,
agences de voyage) ;
- Propriétaires
fonciers et investisseurs potentiels ;
- Chambres
consulaires (CCI, chambres d’agriculture, métiers).
Associative et culturelle
- Association
de sauvegarde du patrimoine ;
- Associations
culturelles ;
- Comité
des fêtes ;
- Société
d’histoire locale.
Citoyenne et sociale
- Habitants
proches du site, commerçants, familles, Collectifs citoyens, clubs de quartier,
comités de fêtes ;
- Figures
locales (enseignants, anciens élus, militants).
Médiatique et symbolique
- Médias
locaux, blogueurs, influenceurs touristiques régionaux, radios, offices de
tourisme ;
- Réseaux
religieux ou spirituels s’ils structurent une partie de la vie locale ;
- Personnalités
charismatiques qui orientent la “réputation” du projet.
Politique locale (informelle)
- Anciens
élus ;
- Notables ;
- Cercles
d’amitié ;
- Réseaux
religieux.
Environnementale
- Associations
de protection de la nature ;
- Naturalistes ;
- Habitants
sensibles à l’écologie.
Voici un moyen de les cartographier, de déterminer leur
degré d’influence et la stratégie à adopter qui se concrétisera par une matrice
de type BCG, facile à lire.
1. Les outils concrets pour cartographier les réseaux
a) Cartographie relationnelle
• Listez tous les acteurs concernés.
• Pour chacun, notez :
• leur intérêt direct ou indirect dans le projet,
• leur niveau d’influence (symbolique, économique,
politique),
• leur position probable (allié, neutre, opposant,
opportuniste).
Représentez le tout en carte mentale ou diagramme de
forces.
b) Observation ethnographique
•
Participez à des événements locaux (fêtes,
inaugurations, réunions publiques).
•
Observez qui parle à qui, qui est écouté, qui
est cité.
•
Les relations informelles sont souvent plus
décisives que les structures officielles.
c) Analyse des récits publics
•
Examinez les journaux locaux, réseaux sociaux,
archives municipales.
•
Repérez les thèmes récurrents, les acteurs
visibles et les non-dits (les sujets qu’on évite d’aborder publiquement).
d) Entretiens exploratoires
•
Menez des entretiens semi-directifs avec des
figures locales (anciens élus, responsables associatifs, commerçants).
Vous obtiendrez souvent des informations fines sur les
affinités personnelles, les clivages historiques, les suspicions.
2. Lire les dynamiques d’influence
Une fois les acteurs repérés, demandez-vous :
•
Qui a besoin de reconnaissance et peut être
valorisé par le projet ?
•
Qui a peur de perdre une centralité (ancienne
famille, association historique) ?
•
Quels acteurs cherchent à reconfigurer leur
image publique (élus, entreprises, groupes religieux) ?
•
Qui peut servir de pont entre plusieurs sphères
(par exemple, un entrepreneur membre d’une association culturelle) ?
Ces questions permettent d’anticiper les alliances
possibles et les résistances probables.
3. Stratégie d’approche et de neutralisation
•
Donner une place symbolique aux acteurs
influents sans leur céder le pilotage.
•
Valoriser publiquement les bénéfices collectifs
du projet (patrimoine, attractivité, retombées économiques locales).
•
Créer des espaces de co-construction contrôlés
(comité consultatif, ateliers citoyens) pour canaliser les critiques.
•
Segmenter la communication : adapter le discours
selon les sphères d’influence identifiées.
•
Ne jamais négliger les réseaux informels : un
café avec un ancien maire ou une présidente d’association peut être plus utile
qu’une réunion officielle.
En résumé
Identifier les réseaux d’influence, c’est comprendre qui
détient du pouvoir dans la vie réelle, et pas seulement dans les organigrammes.
|
Étape |
Objectif |
|
1. Délimiter
les sphères d’acteurs |
Repérer les
sources d’influence directe et indirecte |
|
2.
Cartographier les relations |
Visualiser
les alliances et tensions |
|
3. Observer
les dynamiques informelles |
Identifier
les “nœuds” de pouvoir cachés |
|
4. Adapter la
stratégie politique et communicationnelle |
Transformer
les forces d’influence en relais du projet |
Exemple concret : réhabilitation d’un château communal pour développer le
tourisme patrimonial
Le contexte
A partir de ma propre expérience professionnelle, imaginons
une petite commune rurale qui possède un château du XVe siècle peu exploité.
Le projet vise à :
•
Restaurer le monument,
•
Y installer un parcours touristique immersif,
•
Attirer des visiteurs pour dynamiser le
centre-bourg.
Étape 1 : Identification des réseaux d’influence
a) Institutionnels
•
La Région : financeur potentiel via le
label “Patrimoine d’avenir”.
•
Le Département : soutien logistique via
le service patrimoine.
•
Les Bâtiments de France : autorité
technique à convaincre sur les normes.
Ü
Approche : les associer en amont, présenter le projet comme un “pilote
de valorisation du patrimoine rural”.
b) Économiques
•
Les restaurateurs et gîtes : voient une
opportunité d’augmentation du tourisme.
•
Certains commerçants : craignent des
changements dans les loyers ou la circulation.
Ü
Approche : réunion d’information + promesse d’un “circuit local” mettant
en valeur les produits régionaux.
c) Associatifs et culturels
•
L’association “Mémoire du château” (très
active, mais attachée à la “pierre authentique”).
•
Le comité des fêtes : désire participer à
l’animation du site.
Ü
Approche : donner à l’association un rôle de “gardienne de la mémoire”
(communication, archives) tout en gardant la maîtrise du projet.
d) Médiatiques
•
Le journal local (“Le Réveil du Pays”) :
acteur clé pour modeler l’opinion.
•
Un blogueur régional spécialisé dans le
patrimoine rural.
Ü
Approche : les inviter à suivre “les coulisses de la restauration” et
obtenir une couverture positive.
e) Politiques et informels
•
L’ancien maire, qui avait déjà porté un
projet similaire mais inachevé.
•
Une famille de notables locaux (anciens
propriétaires du château).
Ü
Approche : leur proposer un rôle honorifique (parrainage symbolique,
inauguration), pour éviter la critique publique.
f) Environnementaux
•
Une association écologiste locale
s’inquiète de l’augmentation du trafic touristique.
Ü
Approche : inclure un volet “mobilité douce” et un partenariat avec un
guide naturaliste.
Grille d’analyse des réseaux d’influence
Voici donc une grille d’analyse des réseaux d’influence
que peut utiliser une municipalité portant un projet touristique, suivie
d’un exemple concret illustratif (basé sur un cas typique : la mise en
valeur d’un château communal).
|
Sphère
d’influence
|
Acteurs
concrets
|
Intérêts /
attentes |
Degré
d’influence
|
Position
probable
|
Stratégie
municipale d’approche |
|
Institutionnelle
|
-Région, Département, Préfecture, intercommunalité -Architecte des bâtiments de France, -Bureaux d’études et -services techniques |
Valoriser le patrimoine, rayonnement régional,
cohérence des financements |
Élevé |
Alliés prudents |
Les associer tôt, communiquer sur le prestige du
projet |
|
Économique |
-Entreprises locales -Propriétaires fonciers et investisseurs potentiels -Chambres consulaires |
Retombées économiques, flux de visiteurs |
Moyen à élevé |
Alliés intéressés |
Proposer une charte économique locale, des
partenariats |
|
Associative
et culturelle |
Association de sauvegarde du patrimoine, culturelles,
comité des fêtes, société d’histoire locale |
Préserver l’authenticité, transmettre la mémoire
locale |
Variable (souvent fort symboliquement) |
Partiellement méfiants |
Créer un comité consultatif du
patrimoine, inviter à co-produire les contenus culturels |
|
Citoyenne
et sociale |
-Habitants proches du site, commerçants, familles, collectifs
citoyens, clubs de quartier, comités de fêtes. -Figures locales |
Nuisances, circulation, prix du foncier, peur du
“tourisme de masse” |
Moyen |
Mitigée |
Réunions publiques, mise en avant
des retombées locales concrètes |
|
Médiatique
et symbolique |
Journal local, blogueurs, influenceurs touristiques
régionaux, radios, offices de tourisme Médias locaux, -Réseaux religieux ou spirituels -Personnalités charismatiques |
Image de la commune, attractivité, exclusivité de
l’information |
Moyen à élevé |
Opportunistes |
Donner l’exclusivité des étapes du
projet, organiser des visites presse |
|
Politique
locale (informelle) |
Anciens élus, notables, cercles d’amitié, réseaux
religieux |
Maintenir influence, reconnaissance, continuité
symbolique |
Élevé mais discret |
Ambivalents |
Solliciter leur conseil “par
respect”, leur offrir une place symbolique sans les laisser diriger |
|
Environnementale |
Associations de protection de la nature,
naturalistes, habitants sensibles à l’écologie |
Préserver les paysages, éviter la surfréquentation |
Moyen |
Potentiellement opposants |
Valoriser l’éco-tourisme, intégrer
des chartes environnementales |
Étape 2 : Lecture stratégique
|
Réseau |
Risque |
Opportunité |
Action |
|
Patrimonial |
Blocage
technique |
Prestige,
label |
Dialogue
constant |
|
Économique |
Attentes
élevées |
Relais local
du projet |
Créer un club
“Château & Commerce” |
|
Associatif |
Méfiance
conservatrice |
Mémoire et
légitimité locale |
Impliquer
dans la communication |
|
Politique |
Critique
publique |
Soutien
symbolique |
Neutralisation
douce |
|
Associatif et
culturel |
Méfiance
conservatrice |
Mémoire et
légitimité locale |
Impliquer
dans la communication |
|
Environnemental |
Contestation
publique |
Image verte |
Intégrer la
durabilité |
|
Citoyen et
social |
Opposition
liée aux nuisances |
Acceptabilité
sociale, appropriation collective |
Réunions
publiques, mise en avant des bénéfices locaux |
|
Médiatique et
symbolique |
Mauvaise
couverture médiatique, polarisation du débat |
Visibilité,
attractivité, relais d’opinion |
Donner
exclusivité à certains médias, organiser visites presse |
Résultat attendu
•
La municipalité transforme un risque de
fragmentation (tensions entre intérêts divergents) en réseau de relais
positifs, où chaque acteur trouve sa place symbolique.
•
Le projet touristique devient ainsi un projet
de territoire, et non un simple projet municipal.
Comment visualiser votre positionnement stratégique sur une matrice BCG
Expliquons les critères et les formules que
j’ai utilisés (ou que vous pourrez ajuster selon votre contexte municipal).
1. Principe général
Le tableau cherche à modéliser la position de chaque
réseau d’acteurs dans un projet territorial (ici touristique) selon trois
variables quantitatives :
|
Variable |
Rôle stratégique |
Question à se poser |
|
Degré d’influence |
Pouvoir d’agir sur le projet |
Cet acteur peut-il bloquer, accélérer ou transformer le
projet ? |
|
Niveau de coopération |
Bonne volonté, alignement, capacité de dialogue |
Cet acteur veut-il et peut-il coopérer avec la
municipalité ? |
|
Valeur nette (opportunité - risque) |
Impact global sur la réussite du projet |
Est-ce qu’il apporte plus d’avantages que de menaces ? |
2. Critères de notation
a) Degré d’influence (0–10)
C’est une estimation de la capacité de l’acteur à peser
sur le projet, par son pouvoir politique, économique ou symbolique.
Critères d’évaluation :
|
Niveau |
Exemples de signaux |
|
9–10 (très fort) |
Autorité légale (DRAC, Bâtiments de France), élu clé,
financeur majeur |
|
7–8 (fort) |
Réseau économique structuré, association médiatique |
|
4–6 (moyen) |
Groupes citoyens, associations locales |
|
1–3 (faible) |
Individus isolés, acteurs périphériques |
Formule indicative :
Influence=Pinstitutionnel+Péconomique+Pmédiatique
3
1. Qu’est-ce que ça veut dire
en mots ?
On cherche à mesurer
l’influence d’un acteur (par exemple une association, une entreprise, une
administration).
Mais l’influence peut venir de plusieurs sources :
•
Son pouvoir institutionnel → rôle
officiel, cadre légal, poids administratif (ex. Préfecture, Bâtiments de
France),
•
Son pouvoir économique → argent,
emplois, investissements (ex. un syndicat hôtelier, une grande entreprise
locale),
•
Son pouvoir médiatique →
visibilité publique, capacité à parler dans la presse, sur les réseaux, à
mobiliser l’opinion.
2. Comment on fait le calcul ?
•
On donne une note à chaque type de
pouvoir (par exemple de 0 à 10).
•
Puis on fait la moyenne des trois.
👉 Ça veut dire qu’on
additionne les trois notes et qu’on divise par 3.
3. Exemple concret
Imaginons une association
touristique locale :
•
Institutionnel : elle n’a pas de rôle officiel →
3/10
•
Économique : elle organise des événements qui
génèrent des revenus → 6/10
•
Médiatique : elle a une page Facebook suivie
localement → 7/10
On applique la formule :
(3+6+7)÷3=16÷3≈5,3
➡️ L’influence globale de cette
association est 5,3/10.
Donc elle a une influence moyenne : pas négligeable, mais pas dominante
non plus.
4. Pourquoi faire une moyenne
?
Parce qu’un acteur peut être très
fort sur un aspect et faible sur un autre.
La moyenne permet d’avoir une vue d’ensemble équilibrée, au lieu de
juger sur un seul critère.
👉 En résumé :
Cette formule sert simplement à traduire en un seul chiffre l’influence d’un
acteur, en tenant compte de ses trois types de pouvoir (institutionnel,
économique, médiatique).
b) Niveau de coopération (0–10)
C’est une mesure du niveau d’engagement positif de
l’acteur dans le projet municipal.
Critères :
|
Niveau |
Indicateurs typiques |
|
9–10 (coopératif) |
Participation active, signature de convention,
communication positive |
|
6–8 (modéré) |
Appui verbal, présence en réunions, soutien conditionné |
|
3–5 (faible) |
Méfiance, passivité, désaccords ponctuels |
|
0–2 (opposant) |
Boycott, critiques publiques, actions de blocage |
Formule indicative :
Coopeˊration=10−Nconflit perçu+Sengagement symbolique
Décomposons-la :
- Le
"10"
- C’est un point de départ maximal (comme si la
coopération pouvait aller jusqu’à 10 sur une échelle de 0 à 10).
- On part de l’idée que sans conflit et avec un
engagement symbolique neutre, la coopération serait "pleine"
(10).
- −Nconflit perçu
- Chaque unité de conflit perçu réduit le
niveau de coopération.
- Ce n’est pas le conflit objectif qui compte, mais
celui perçu par les acteurs : un malentendu ou une impression de
divergence peut déjà faire baisser la coopération.
- +Sengagement
- L’engagement symbolique (gestes, paroles,
rituels, accords symboliques, reconnaissance, excuses, etc.) vient renforcer
la coopération.
- Même si des conflits existent, des signes visibles
de bonne volonté peuvent compenser et restaurer une partie de la
coopération.
Exemple concret
- Imaginons deux partenaires commerciaux :
- Niveau de conflit perçu : N=4
- Engagement symbolique : S=2
Alors :
Coopération=10−4+2=8
→ Malgré des tensions, des gestes de bonne foi (par exemple
un discours de soutien public, un échange de cadeaux, une médiation) permettent
de maintenir un haut niveau de coopération.
👉 Cette formule illustre
donc une logique simple :
- Plus il y a de conflit perçu → moins de
coopération.
- Plus il y a d’engagement symbolique → plus de
coopération.
Où :
- Nconflit perçu= note du niveau de tension
(0–10),
- Sengagement symboliqueS= bonus de +1 ou +2 si
l’acteur a un rôle public, institutionnel ou culturel fort.
Ü
Evidemment, les notations varient en fonction de chaque projet et de l’analyse
que vous ferez de chaque réseau.
c) (opportunité - risque)
Elle résume l’équilibre entre ce que l’acteur peut
apporter (ressources, légitimité, relais) et ce qu’il peut freiner
(critiques, blocages, conflits).
Évaluation séparée :
|
Type de variable |
Critères |
|
Opportunité (0–10) |
Apport financier, relais de communication, légitimité
culturelle, attractivité |
|
Risque (0–10) |
Pouvoir de nuisance, influence négative, contradiction
d’image, freins réglementaires |
Puis :
Ü
Evidemment, les notations varient en fonction de chaque projet et de l’analyse
que vous ferez de chaque réseau.
📊 Exemple d’application
au projet touristique
Bien entendu, ces valeurs varieront selon chaque projet et
chaque contexte de réseau d’influence mais le but est de faciliter et de rendre
le choix d’une stratégie plus rapide.
|
Réseau |
Influence |
Coopération |
Opportunité |
Risque |
|
Patrimonial |
9 |
6 |
9 |
7 |
|
Économique |
7 |
8 |
8 |
4 |
|
Associatif |
6 |
4 |
6 |
5 |
|
Politique |
8 |
3 |
5 |
6 |
|
Environnemental |
5 |
5 |
5 |
8 |
|
Citoyen et social |
7 |
3 |
7 |
6 |
|
Médiatique et symbolique |
8 |
5 |
8 |
5 |
3. Utilisation dans la matrice
de type BCG
Pour construire la matrice qui, pour être pratique, doit
avoir des axes qui se croisent en 0 et des longueurs d’axes équivalentes,
transformez le tableau en donnant la valeur 0 à la valeur médiane de
l’influence et de la coopération comme suit :
|
Réseau |
Influence |
Coopération |
Opportunité |
Risque |
|
Patrimonial |
2 |
1 |
9 |
7 |
|
Économique |
0 |
3 |
8 |
4 |
|
Associatif |
-1 |
-1 |
6 |
5 |
|
Politique |
1 |
-2 |
5 |
6 |
|
Environnemental |
-2 |
0 |
5 |
8 |
|
Citoyen et
social |
0 |
-1 |
7 |
6 |
|
Médiatique
et symbolique |
1 |
1 |
8 |
5 |
|
Médiane |
5 |
7 |
- Axe X → coopération (-4 ;+4) par
exemple
- Axe Y → influence (-4 ;+4) par exemple
- Diamètre de la bulle → opportunité et la
graduation va du rouge (risque maximum) au bleu (risque minimum)
Comment analyser ce graphique de matrice BCG en une minute
A partir de cette analyse, vous pouvez jauger chaque action
à mener envers chaque réseau d’influence.
1. Les axes et dimensions de la matrice adaptée aux réseaux d’influence
- Axe
X = Niveau de coopération
→ volonté et capacité de travailler avec vous (de l’opposant au partenaire enthousiaste). - Axe
Y = Degré d’influence
→ pouvoir réel de peser sur le projet (institutionnel, économique, médiatique, symbolique). - Taille
de la bulle = Opportunité
→ ce que le réseau peut apporter (ressources, légitimité, relais, attractivité). - Couleur
de la bulle = Risque
→ capacité de nuisance, de blocage ou de critique. Plus la teinte est “chaude”, plus le risque est élevé.
2. Les 4 grandes catégories et leurs stratégies
On détermine 4 zones où les caractéristiques (influence et
coopération) sont les même mais pour lesquelles les opportunités et les risques
peuvent être variables.
a) Réseaux Vedettes 🌟
(Forte coopération + forte
influence)
- Exemples : Région, Département, Architectes
des Bâtiments de France.
- Rôle : moteurs du projet, apportent
financements, labels et légitimité, mais peuvent aussi bloquer sur des
points techniques ou réglementaires.
- Stratégie :
- Investir du temps et de l’attention.
- Les associer dès le départ aux grandes étapes.
- Leur donner de la visibilité symbolique pour
transformer leur exigence en levier positif.
- Objectif : en faire
des ambassadeurs puissants, tout en gérant leurs risques.
- Dans
notre cas la sphère patrimoniale :
|
Analyse |
Recommandations |
Stratégie |
|
Acteurs clés (Bâtiments de France, Région,
Département). Ils apportent du prestige, du financement et de la légitimité,
mais leur poids réglementaire peut bloquer. |
§
Associer dès la conception pour anticiper les
contraintes. §
Valoriser publiquement leur rôle (labels,
communication patrimoniale). §
Entretenir une relation de confiance continue
→ réunions régulières. |
Investir fortement pour en faire des
alliés visibles et réduire le risque de blocage. |
- La sphère médiatique et symbolique :
|
Analyse |
Recommandations |
Stratégie |
|
Relais
d’opinion, Coopération opportuniste en apportant de la visibilité mais
parfois amplifient des crises. |
§ Offrir
des exclusivités médiatiques (visites presse, partenariats). § Intégrer
les influenceurs dans la communication du projet. § Valoriser
les soutiens symboliques (leaders d’opinion, figures locales). |
Faire des
médias et leaders symboliques des alliés d’image → renforcer la légitimité et
la visibilité du projet. |
b) Réseaux Vaches à lait 🐄
(Forte influence + bonne
coopération)
- Exemples : entrepreneurs locaux, hôteliers,
commerçants intéressés par les retombées.
- Rôle : alliés fiables qui génèrent des
bénéfices économiques immédiats.
- Stratégie :
- Les entretenir avec un minimum d’effort
(partenariats, chartes locales).
- Les mobiliser comme relais d’opinion et de
communication.
- Gérer les attentes pour éviter des frustrations.
- Objectif : capter durablement leurs apports
sans sur-investir en gestion des risques.
- Dans notre cas la sphère économique :
|
Analyse |
Recommandations |
Stratégie |
|
Entrepreneurs
locaux, commerçants, hôteliers. Fort intérêt car retombées directes. Peu de
risques, sauf attentes excessives. |
§ Créer un
club économique local lié au projet (charte, partenariats). § Utiliser
ces acteurs comme relais positifs auprès de la population. § Donner
des bénéfices concrets et visibles (circuits courts, mise en valeur des
produits locaux). |
Exploiter leur soutien pour maximiser
la légitimité économique et sociale. |
c) Réseaux Dilemmes ❓
(Influence forte mais faible
coopération)
- Exemples : anciens élus, notables locaux,
associations conservatrices, acteurs politiques ambivalents, associations
écologistes contestataires.
- Risque : peuvent bloquer, critiquer
publiquement, déstabiliser le projet.
- Stratégie :
- Les écouter et reconnaître leur rôle symbolique.
- Offrir des places honorifiques (parrainage,
inauguration, consultation respectueuse).
- Décider au cas par cas : investir pour les rallier
si le jeu en vaut la chandelle, ou les neutraliser discrètement si le
risque dépasse l’opportunité.
- Objectif : limiter les nuisances,
transformer certains dilemmes en partenaires si possible.
- Dans notre cas la sphère politique :
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Analyse |
Recommandations |
Stratégie |
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Anciens élus,
notables, familles locales influentes. Peu enclins à coopérer, mais influents
dans l’opinion et les cercles sociaux. |
§ Reconnaissance
symbolique (“par respect”) : invitations, rôle honorifique. § Communication
discrète pour éviter les critiques publiques. § Ne
jamais leur céder le pilotage, mais les intégrer aux moments clés
(inaugurations). |
Neutraliser
en douceur pour éviter la contestation publique. |
- La sphère citoyenne et sociale :
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Analyse |
Recommandations |
Stratégie |
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Acteurs
locaux (habitants, collectifs), Influence moyenne (capacité locale de
nuisance), coopération faible (méfiance face aux nuisances : circulation,
foncier, tourisme de masse). Opportunité : forte si mobilisation réussie
(appropriation collective). Risque : contestation locale. |
§ Organiser
des réunions publiques ouvertes et régulières. § Valoriser
les bénéfices concrets pour les habitants (emplois, retombées locales,
nouveaux services). § Créer
des espaces participatifs (comité citoyen, ateliers). |
Construire
l’acceptabilité sociale → transformer les inquiétudes en adhésion en donnant
un rôle actif aux habitants. |
d) Réseaux Poids morts (ou
passifs)
(Faible influence + faible
coopération)
- Exemples : associations locales marginales,
collectifs peu organisés, groupes citoyens périphériques.
- Rôle : faible impact direct sur le projet,
mais peuvent créer du bruit ponctuel.
- Stratégie :
- Leur consacrer peu de ressources.
- Maintenir une communication générale et
respectueuse pour éviter les crispations.
- Objectif : ne pas gaspiller d’énergie tout
en restant attentif aux signaux faibles.
- Dans notre cas La sphère associative :
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Analyse |
Recommandations |
Stratégie |
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Associations
culturelles ou patrimoniales, parfois conservatrices. Peu de poids
décisionnel mais capacité à créer du bruit ou de la contestation symbolique. |
§ Leur
offrir une place symbolique (gardien de la mémoire, comité
consultatif). § Reconnaître
leur rôle public sans leur céder la gouvernance. § Communiquer
de manière inclusive pour éviter l’opposition frontale. |
Gérer
symboliquement, opportunité modérée mais utile pour renforcer l’ancrage local. |
- La
sphère environnementale :
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Analyse |
Recommandations |
Stratégie |
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Associations
écologistes, habitants sensibles à l’environnement. Peu de pouvoir
institutionnel, mais fort potentiel de nuisance médiatique et sociale
(manifestations, critiques). |
§ Intégrer
un volet éco-responsable au projet (mobilité douce, éco-tourisme). § Impliquer
un acteur environnemental dans un comité consultatif. § Communiquer
fortement sur la durabilité et les bénéfices écologiques. |
Transformer
un risque fort en opportunité d’image grâce à une approche proactive. |
Synthèse transversale
- Investir et sécuriser : Patrimonial (alliés
puissants mais contraignants).
- Exploiter et valoriser : Économique (alliés
enthousiastes, peu risqués).
- Gérer symboliquement : Associatif (faible
poids mais visibilité locale).
- Neutraliser discrètement : Politique
(influence forte, coopération faible).
- Canaliser et transformer : Environnemental
(peu d’influence mais fort risque médiatique).
👉 La clé est de bâtir un équilibre
relationnel : consolider les soutiens stratégiques, contenir les risques
élevés et donner une place symbolique aux acteurs périphériques.
3. Ce que ça change par rapport à la matrice BCG classique
- Dans un portefeuille d’activités (BCG classique),
on cherche un équilibre entre rentabilité actuelle (vaches à lait)
et potentiel futur (stars).
- Dans un portefeuille de réseaux d’influence,
l’équilibre est différent :
- Vedettes : investir pour maximiser
opportunité et gérer le risque élevé.
- Vaches à lait : exploiter leurs
apports sans surcharger les relations.
- Dilemmes : neutraliser ou transformer
selon leur balance opportunité/risque.
- Poids morts : surveiller à distance,
intervention minimale.
👉 En résumé
- La matrice BCG appliquée aux réseaux d’influence
devient une boussole stratégique relationnelle :
- Visualiser qui compte vraiment (influence +
coopération).
- Évaluer la balance entre ce qu’un acteur
apporte (opportunité) et ce qu’il menace (risque).
- Prioriser les efforts : investir, exploiter,
neutraliser ou ignorer.
- Transformer les forces d’influence en relais
positifs plutôt que subir des blocages.
De l’idée à la réussite : activez vos réseaux d’influence et
bâtissez un vrai projet de territoire
Un projet d’entreprise ou de collectivité n’avance pas seulement
grâce à un budget, un plan ou une bonne idée. Il avance parce qu’il s’appuie
sur un écosystème vivant de relations, d’alliances, de symboles et parfois… de
résistances.
Savoir cartographier les réseaux d’influence,
comprendre leur niveau de coopération, mesurer ce qu’ils apportent
(opportunité) et ce qu’ils risquent de bloquer (risque), c’est se donner une
boussole stratégique pour piloter ses projets dans la durée.
PME, élus locaux, porteurs de projets : ne laissez plus vos
initiatives dépendre du hasard ou d’un rapport de force subi. Faites de vos
réseaux d’influence des alliés visibles, engagés et porteurs de légitimité.
Et maintenant ?
- Entrepreneurs : avez-vous déjà identifié qui,
autour de vous, peut transformer votre idée en réussite… ou la freiner ?
- Municipalités : avez-vous pris en compte tous les
acteurs – institutionnels, économiques, associatifs, citoyens,
environnementaux – dans vos plans de développement ?
Il est temps d’agir : commencez dès aujourd’hui à
cartographier vos réseaux d’influence et à bâtir une stratégie relationnelle
claire.
C’est la condition pour que vos projets deviennent non seulement des réussites,
mais aussi de véritables projets de territoire.
